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Le rapport 2024 du Haut Conseil à l’Égalité (HCE) met en lumière la persistance des violences sexuelles et sexistes en France, malgré les progrès dans le secteur culturel. Les initiatives éducatives et préventives sont déployées depuis 2017, mais la résistance persiste, soulevant des questions sur l’efficacité des mesures.
=> Pour lire le rapport annuel 2024 sur l’état du sexisme en France https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/stereotypes-et-roles-sociaux/actualites/article/6eme-etat-des-lieux-du-sexisme-en-france-s-attaquer-aux-racines-du-sexisme
8 ans après #metoo, est-ce qu’on serait en train de faire 10 pas en arrière ?
Qu’en est-il du secteur culturel? Ce secteur en première ligne du mouvement #meetoo et #balanceronporc a été le premier à réagir. Depuis 2017, des mesures afin d’éduquer les salariés du secteur et sanctionner les auteur.es des violences sexuelles et sexistes ont été mises en place. Éduquer et sanctionner : deux des préconisations du HCE à la suite de leur dernier rapport.
Voici notre retour d’expérience de ces dernières années passées dans l’accompagnement des entreprises du secteur culturel pour plus d’égalité professionnelle et moins de violences sexuelles et sexistes!
Le secteur culturel est très impliqué depuis 2017 pour la lutte contre les violences sexuelles et sexistes :
- incitation des organisations qui dépendent du ministère de la Culture à s’engager dans une démarche de labellisation AFNOR sur l’égalité professionnelle,
- formations sur la prévention des violences sexuelles et sexistes des dirigeants et du personnel, prises en charge à 100% par l’AFDAS (sans impacter le budget de la branche),
- multiplication du nombre de référent.es dont l’obligation récente d’avoir un.e référent.e sur chaque tournage de cinéma,
- négociation d’accord de branche pour la prévention des violences sexuelles et sexistes, dont le dernier en date concerne la branche du spectacle vivant privé applicable depuis le 1er janvier 2024 (pour les entreprises adhérentes aux syndicats signataires),
- conditionnement de certaines subventions et aides (CNM, CNC) a l’atteinte des objectifs de mixité, de formations des dirigeants et de mise en place d’un protocole de prévention et gestion des violences sexuelles et sexistes.
Est-ce que ces mesures sont réellement efficaces?
Est-ce que le secteur culturel serait devenu le bon élève de la prévention et de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ?
Eduquer à l’égalité femmes / hommes et à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes :
> les formations et sensibilisations sur les violences sexuelles et sexistes dans le secteur culturel se sont très fortement développées depuis 2020. Ces formations sont prises en charge à 100% par l’AFDAS ou par le ministère de la Culture directement, pour les établissements sous sa tutelle. Un changement de mentalité commence à s’amorcer sur le terrain grâce à une compréhension de ce qu’on ne peut plus dire ou faire dans le cadre du travail. Et oui! On ne peut plus dire de blagues graveleuses ni même discriminatoires ! Et ça, beaucoup de salariés semblent l’avoir compris même s’ils ne sont pas tous emballés par le fait de devoir changer d’humour et renouveler certaines blagues!
=> Pour autant a-t-on réussi à mettre à distance l’influence des stéréotypes de genre à travers notamment l’expression d’un sexisme bienveillant ou ordinaire ?
Sanctionner les auteur.es de violences sexuelles et sexistes :
> les entreprises du secteur culturel sont très fortement incitées, voire obligées de formaliser leur procédure de gestion des violences sexuelles et sexistes. Ces protocoles ont pour objectif de faire cesser ces agissements, notamment grâce au pouvoir disciplinaire de l’employeur.
> les référents ont un rôle essentiel à jouer dans le recueil des signalements de violences sexuelles et sexistes, mais également dans le déploiement et suivi des enquêtes. Les formations dédiées aux référent.es sont en plein essor et ne désemplissent pas. Néanmoins nous observons que ces sessions sont composées à 98% de femmes. De plus, la désignation des référent.es est trop souvent liée à un engagement personnel plutôt qu’à une politique de l’entreprise. La prévention et la gestion des violences sexuelles et sexistes ainsi que le rôle de référent.e serait-il un problème de femme déconnecté de l’obligation de sécurité de l’employeur? Va-t-on pouvoir sanctionner des faits avérés de violences sexuelles et sexistes avec une logique comme celle-ci?
> la coactivité est un problème majeur dans la capacité des employeurs à sanctionner des agissements de violences sexuelles et sexistes. En effet, dans de nombreuses situations, l’.auteur.e de ces agissements n’est pas un.e salarié.e de l’entreprise, mais d’un prestataire extérieur. L’employeur de la victime ne peut donc pas agir et cela remet en question les relations commerciales entre les deux entreprises. Le nouvel accord de branche sur la prévention des violences sexuelles et sexistes dans le théâtre privé, signé en décembre 2023, se saisit de cette question. L’accord prévoit notamment que les deux employeurs puissent mener conjointement la procédure d’enquête suite au signalement. Cette disposition devrait inciter les prestataires travaillant dans ce secteur à se saisir de cette question et travailler également de leur côté sur des démarches de prévention des violences sexuelles et sexistes.
Les obstacles à la sanction des agresseurs dans la culture malgré les progrès
Il reste néanmoins une problématique en suspens dans cette capacité à sanctionner les auteur.es des agissements de violences sexuelles et sexistes : comment sanctionne-t-on les artistes ou toute personne de l’influence ou du pouvoir ? C’est une question à laquelle nous sommes confrontés dans notre pratique : « et si les agissements viennent d’un.e artiste, d’un.e producteur.trice que fait-on »; et de nombreux témoignages d’impuissance : « Si on signale les agissements, on risque de nous retirer le dossier ou de perdre notre poste. » ; « Ça ne sert à rien de remonter les agissements, l’affaire sera étouffée » ; « tout le monde est au courant, ça ne sert à rien de faire un signalement, ça ne changera rien »…
Beaucoup d’avancées ont été réalisées dans le secteur culturel sans pour autant s’attaquer à la racine des violences sexuelles et sexistes : les positions de domination créent encore beaucoup de phénomènes d’emprise chez les victimes. Bien que les directions aient conscience de ces problématiques, elles sont encore nombreuses à rester immobiles pour des raisons économiques ou réputationnelles. Pour pouvoir prendre en charge les signalements et agir, elles ont besoin d’être accompagnées au niveau stratégique, juridique ainsi qu’auprès des assurances.
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